Publisher's Synopsis
Je ne peux pas changer le monde, ni le passé, ni le présent, ni l'avenir. Je peux seulement dire que la vie vaut d'être vécue, que la femme ou l'homme peuvent s'arracher de l'entourage et à la médiocrité de la vie présente et d'un bond, d'un grand élan de sa volonté, sortir du piège que la réalité lui a imposé.
Jeunesse exploitée, soumise, harcelée, à vous je consacre ce livre de mes souvenirs. J'étais témoin de la naissance d'un nouveau pays sorti de l'enfer et devenu un beau pays, humain, prospère, une union moderne, un pays qui inspirait le respect et l'admiration du monde entier. J'étais le témoin de tous les bouleversements qui succédaient à une guerre fratricide. Le malaise des uns et des autres, les comportements nouveaux, la tolérance des uns et l'intolérance des autres. J'étais une petite Croate en Serbie et Bosnie, donc étrangère, malgré que nous fussions tous Yougoslaves. Ma tragédie c'était d'être victime de la guerre fratricide qui a enflammée toute l'Europe et le Balkan et parce que mon père est mort et que je suis restée orpheline.
Ma mère a fait tout ce qui était dans son pouvoir. Elle travaillait dix-huit heures par jour, épuisant toutes ses forces, mais ses enfants restaient toujours affamés, sans surveillance, sans école.
Elle a rencontré, par hasard, un homme dont elle est tombée amoureuse et il paraît que c'était réciproque. Cet homme était prêt à se marier avec elle à condition de prendre avec elle un seul enfant et laisser le deuxième dans sa famille.
Seulement, ce qui a succédé, c'était tout à fait insupportable. La vie s'est moquée de la mère et de sa fille. L'homme qui devait remplacer mon père, était instable, agressif et alcoolique.
Bien sûr, tout est la faute de l'alcool, c'est le plus grand ennemi de l'humanité, il provoque seulement la haine, il détruit les ménages les plus stables, il sépare les gens les plus amoureux.
Dans cette destruction lente mais certaine, ce sont les enfants qui subissent le plus impitoyable contre coup, car leur enfance devient un grand cauchemar.
Et c'était cet homme que ma mère suivait pendant des années, au gré de ses mutations en tant que chef de gare de chemin de fer: Beska, Sajkas, Gorazde
Moi, je les ai suivis fidèlement.
Cette période a laissé sur moi de grandes séquelles, des conséquences catastrophiques qui ne m'ont jamais laissé devenir un vrai être humain, sociable et naturel.
En quittant ce foyer de ma mère et son mari, où j'étais malmenée pendant des années, pour Zagreb, je me conduisais d'une façon étrange. J'évitais mes camarades de classe, je me mettais à trembler nerveusement, dès que l'un des garçons m'adressait la parole.